L’endométriose

L’endométriose

Interview de @lucille.healthy – propos recueillis par Mona de Merci Maman

 

Aujourd’hui on commence à entendre parler de l’endométriose dans les médias, mais c’est un phénomène assez récent. Aviez-vous déjà entendu parler de l’endométriose lorsqu’on a posé votre diagnostic ?

C’est vrai qu’aujourd’hui on entend de plus en plus parler de l’endométriose, et je trouve que c’est très bien. Lorsque le diagnostic a été posé pour moi en juin 2021 je connaissais déjà bien la maladie, j’étais intimement persuadée d’en souffrir, mais personne ne m’écoutait. Depuis 2014, je me renseignais sur mes symptômes, j’allais sur des forums, je posais des questions sur les réseaux sociaux et beaucoup de personnes m’avaient parlé de cette maladie.  

J’en ai moi-même parlé à ma gynécologue, qui m’avait répondu que « non ce n’est pas ça, c’est juste une maladie à la mode, ce sont juste vos règles qui vous font souffrir… ». Elle m’avait recommandé de prendre sur moi parce que « oui les règles, ça fait mal ».  Du coup, c’est ce que j’ai fait. 

Le diagnostic de l’endométriose est souvent tardif. Comment cela s’est-il passé pour vous ?

Les années ont passé, et les douleurs sont devenues de plus en plus importantes. Et puis le désir d’enfant est arrivé. J’ai décidé d’arrêter ma pilule fin 2016, je suis tombée enceinte de ma fille assez rapidement en février 2017. J’ai eu une accalmie pendant deux ans et puis c’est revenu…. 10 fois plus fort… Les douleurs à chaque cycle étaient de plus en plus insupportables, un rapport sur cinq faisait mal. C’est à ce moment-là que j’ai de nouveau consulté, et on m’a dit que j’avais eu un enfant donc ce n’était pas ça… 

Le calvaire a duré jusque début 2021, où on m’a fait une échographie pour vérifier la position de mon stérilet. A l’écran, beaucoup de kystes étaient visibles. On a attendu trois mois pour voir s’ils avaient diminué, ça n’a pas été le cas. Ils étaient plus nombreux et plus gros.  

On suspecte alors un cancer des ovaires. J’ai passé des tests sanguins pour vérifier mes facteurs tumoraux, puis j’ai attendu trois mois supplémentaires pour passer une IRM. Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai appris que j’étais atteinte d’endométriose…

Le jour où vous avez enfin su, qu’avez-vous ressenti ? 

Beaucoup de soulagement car ce n’était pas un cancer. J’avais vécu avec cette inquiétude pendant de nombreux mois… Et je me suis sentie également beaucoup plus légère. J’ai pleuré de “joie” car ma douleur était légitime. Depuis toutes ces années je souffrais mais c’était normal, j’étais “malade” ; un énorme poids s’est enlevé de mes épaules parce que j’avais raison, je n’étais pas folle.

J’ai aussi éprouvé de la colère à cause du manque de professionnalisme des médecins, du manque d’écoute et l’errance médicale que j’ai subies, comme tant d’autres femmes. 

Quels sont vos symptômes ? Ont-ils évolué avec le temps ? 

Douleurs dans le bas ventre et les reins lors des cycles mais aussi hors cycle. Comme des coups de poignard. Il m’est presque impossible de me tenir debout lorsque c’est le cas. J’ai aussi de nombreux désagréments au niveau intestinal, je vais être constipée ou au contraire souffrir de diarrhées, je vais avoir mal au niveau de l’anus. J’ai d’ailleurs de très grosses difficultés à me mettre assise lorsque c’est le cas, comme si c’était gonflé… Je souffre aussi de cystites à répétition et d’une très grande fatigue. Parfois une baisse de libido par peur des douleurs lors des rapports.  

Aujourd’hui ça va mieux car j’ai été opérée en octobre 2021. Je subis encore de grosses crises mais elles sont moins nombreuses et moins intenses.

Vous a-t-on proposé un accompagnement thérapeutique ou médicamenteux ? Êtes-vous suivie par un médecin ?

Oui, j’ai été redirigée vers une gynécologue spécialiste de l’endométriose qui m’a prise en charge très rapidement. Une de mes trompes était engorgée de sang et risquait à tout moment de se rompre, une opération a donc été très vite programmée.

J’ai toute une panoplie de médicaments pour essayer de limiter les douleurs lors des crises. Je dispose également d’un petit appareil qui envoie des électrostimulations et qui me soulage considérablement. Je prends aussi de l’homéopathie et ma bouillotte est ma meilleure amie. 

Comment vivez-vous votre maladie au quotidien aujourd’hui ? 

Bien mieux depuis que le diagnostic a été posé, car ma douleur et ma fatigue ont une légitimité. L’opération m’ayant énormément soulagée, je souffre beaucoup moins au quotidien. 

Est-ce que l’endométriose vous a freiné dans votre désir d’avoir des enfants ? 

Non car à l’époque où j’ai eu ma fille je ne savais pas que j’étais atteinte d’endométriose, je m’en doutais mais cela n’avait pas été diagnostiqué. Aujourd’hui, si l’idée de faire un autre enfant venait, cela m’inquièterait car après ma grossesse les douleurs ont été plus intenses, et je craindrais donc que cela recommence. 

 

Avez-vous l’impression d’avoir vaincu l’endométriose – d’une certaine façon – en donnant naissance à votre fille ? 

Oui et non. Il faut savoir que 30 à 40% des femmes atteintes d’endométriose font face à un problème de fertilité. On pense souvent à tort qu’endométriose et infertilité vont de pair alors que ce n’est pas le cas. On peut souffrir d’endométriose sans avoir de difficultés à avoir un enfant et je fais partie de ces chanceuses, car malgré la maladie j’ai ma fille avec moi aujourd’hui. 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souffre d’endométriose ? 

Le premier conseil est de s’entourer de personnes qualifiées et à l’écoute car si l’on ne nous prend pas au sérieux, ça peut être destructeur moralement.

Le second conseil est de s’écouter et de prendre soin de soi. Écouter son corps, écouter ce dont il a besoin. Je pratique la méditation qui m’aide énormément lors des crises, je pose ma bouillotte ou mon petit appareil, je m’allonge, je respire et j’essaye d’accepter au mieux ma condition. Parfois je suis diminuée, fatiguée, en colère, triste, mais ai-je vraiment le choix ? Donc j’accepte, je relativise. Et je pleure, je dors. Je me fais passer en priorité. Malgré mon travail, malgré ma vie de famille…   

 

 

 

Avec le recul que vous avez maintenant, que feriez-vous différemment ? 

J’irais chercher un professionnel spécialiste de l’endométriose, et je ne me serais pas laissé influencer par les gynécologues qui m’ont dit durant ces 10 dernières années que c’était dans ma tête, que j’étais folle, que c’était normal d’avoir mal, que je devais prendre sur moi… J’essaierais de faire en sorte que ma prise en charge soit plus rapide, ça m’aurait enlevé bien des années de souffrance…  

Que faut-il changer pour que l’endométriose soit mieux prise en considération ? 

Je pense qu’il faut comprendre que c’est plus que des « règles » ; il faut réussir à faire comprendre la douleur qu’on ressent, la fatigue qui accompagne les crises, les difficultés lors des rapports ou encore dans la vie de tous les jours… Beaucoup de personnes pensent encore que c’est une maladie à la mode, une “excuse” même parfois, et c’est le plus dur. On ne se sent pas légitime d’avoir mal. J’aimerais vraiment que les regards sur l’endométriose évoluent pour faire comprendre qu’il s’agit bien d’une maladie.